De ER vers FS en passant par un creux γ en DQ

Aurore Rousseaux

Je sors du stage Interactions où j’ai vécu un moment super-intéressant. C’est comme si on sortait de chez l’ophtalmo, et que le monde était clair pour la première fois.

Nous y avons, entre autres, parlé des désastres que pouvait causer une éducation ER à la fois excessive et prématurée : l’enfant, à un moment de son développement où il n’a pas les capacités cognitives lui permettant d’accéder à ce vMème, est mis en compétition et sous pression, et est submergé d'activités pour être certain qu’il réussisse. Cela m’a touché et a fait immédiatement sens dans ma vie. Voici la liste de toutes les activités extrascolaires que j’ai faites entre 4 et 13 ans :

  1. Maison verte ;
  2. Jardin musical ;
  3. Violon ;
  4. Solfège ;
  5. Dessin ;
  6. Poterie ;
  7. Anglais pour les enfants ;
  8. Danse ;
  9. Piano ;
  10. Chorale ;
  11. École du cirque ;
  12. Tennis ;
  13. Djembé ;
  14. Scoutisme ;
  15. Théâtre ;
  16. Orthophoniste ;
  17. Psychologue ;
  18. Relaxation ;
  19. Thérapie par l’écoute de musique ;
  20. Orthoptiste ;
  21. Cours particuliers de français, d’anglais, d’espagnol et de mathématiques ! J’ai suivi mes premiers cours particuliers dès le CE1 : j’avais raté le concours d’entrée pour aller à Sainte Marie de Neuilly…

Et en plus de tout cela, nous avions encore du temps pour visiter des tas de musées et d’expositions, et pour aller à la piscine, à la patinoire ou faire du kayak.

Le soir, je pleurais au fond de mon lit sans rien comprendre. Je dormais très mal la nuit à cause de terreurs nocturnes. En CM2, j’ai décidé de partir de chez mes parents et d’aller dans un Foyer de charité (c’est un peu comme un couvent). J’ai adoré : on priait et on se promenait dans les parcs. Vivre du DQ, c’était plus de mon âge et cela a été une bouffée d’oxygène. Mais, j’ai été renvoyée car ils ne savaient pas comment me gérer la nuit.

Depuis, ma mère s’est rendu compte que c’était trop et elle s’en est excusée, mais elle continue à courir. Quand elle se repose, c’est simplement pour pouvoir courir encore plus vite. Je ne sais pas comment elle fait, mais ça semble la rendre heureuse. Moi, je ne veux plus courir, je veux juste prendre le temps de vivre.

Aujourd’hui, je viens de finir mes études qui ont commencé par des années dominées par ER. J’ai fait cinq stages et un contrat pro. Cumulé, cela représente environ deux ans d’expérience en entreprise. Pendant de longues périodes, j’ai cumulé stage, plus cours, plus activités extrascolaires. Cette année, je suis partie en vacances, mais ça faisait deux ans que je n’avais pas pris une semaine de congé. Et avant, quand je partais, c’était pour apprendre l’anglais en Floride, ou pour encadrer des jeunes en colonie. Aujourd’hui, je n’ai pas de problème pour remplir mon CV, mais tout cela me paraît dérisoire. En entretien d’embauche, c’est un peu comme si je me tirais une balle dans le pied.

À la fin de mes quatre ans à l’EFAP, j'ai craqué : c'est le point β qui a mis fin à cette période ER. Tout ce qui évoquait ce vMème — même si je ne l’appelais pas ainsi à cette époque — me dégoûtait. J’étais stagiaire dans une agence de comm’, indemnisée 300 € par mois, et ils avaient beaucoup hésité à m’embaucher, car je devais partir tous les soirs à 18h15 pour aller en cours. Ensuite, ils m’ont reproché de prendre une semaine de congé pour passer mes examens, alors que je les avais prévenus lors de l’entretien d’embauche. J’ai insisté et j’ai pris ma semaine, même si je savais que ça compromettait mes chances d’embauche à l'issue du stage. Puis quinze jours plus tard, j’avais un grand oral pour clôturer mes quatre années d’études et trois jours pour le préparer. Ils ne m’ont accordée qu’une demi-journée et m’ont surchargée de travail : « Si tu veux prendre cette demi-journée, remplis d’abord tes objectifs. » Il paraissait normal pour ma tutrice que je fasse une nuit blanche pour préparer mon examen. J’ai été obligée de bâcler mon travail et j’ai raté mon oral. Le jury m’a reproché un manque de travail. Résultat, j’ai été rétrogradée, et ça m’a tellement stressée que j’ai été encore plus mauvaise.

Puis j’ai eu des soucis plutôt graves avec ma famille. J’ai voulu en parler à ma directrice de stage, pour qu’elle comprenne mon manque de dynamisme le lundi matin. Elle m’a répondu que ça n’avait rien à voir, que tout le monde avait des coups durs, et que si je ne pouvais pas encaisser, je devais penser à changer de métier. Elle était vraiment sincère. Un jour, j’ai pleuré toute la journée et les graphistes venaient quand même me faire valider leur travail comme si de rien n’était : « Il faut bien que les dossiers avancent. » Quand je suis partie au bout de six mois, je m’étais attachée aux gens, mais la plupart ont été très surpris que je sois triste de les quitter.

Après, j’ai fait un creux γ en DQ. J’ai cherché une école qui enseignait différemment et j’ai repris un an d’études à l’université. J’ai fait du DQ toute l’année. Le problème, c’est que ce niveau d'existence ne pouvait plus me convenir totalement : j’ai eu l’impression de perdre ma capacité à penser de manière autonome (ça, c’est frustrant pour un ennéatype 7) et que le règlement ne prend pas toujours en compte l’intérêt du groupe d’individus qu’il régit.

Bref, je suis devenu une « stressé de la vie », une trouillarde en puissance. Je ne sais pas comment je suis devenue adulte, je pensais que ça me tuerait avant. Il est normal de partager ses émotions, mais elles sont parfois si violentes que je crains de blesser les gens auprès de qui je les exprime. Mais en même temps, si je ne le fais pas, on n’est pas relié pareil, et c’est beaucoup moins intéressant. Il faudrait trouver le juste milieu. Je crois que cette quête émotionnelle et cet inconfort en DQ et ER sont le signe que je suis en train de commencer le saut δ qui mène à FS.

Avoir analysé tout cela m’a redonné un maximum de courage et de confiance. J'espère que ce bref témoignage fera de même pour des lecteurs ayant eu un parcours similaire au mien.

Cet article fait l'objet d'une discussion sur le blog « Et à l'aurore ».
Les opinions émises dans cet article sont celles de l'auteur et n'engagent aucunement IDEOdynamic®.

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