AN‑Beige et réflexes primitifs
Claire D.
Pour rappel, le niveau d’existence AN‑Beige a pour thème :
« Exprimer le soi automatiquement
en fonction des impératifs physiologiques et des possibilités de l’environnement ».
Dans ce système de valeurs, l’objectif est la satisfaction des besoins physiologiques : boire, se nourrir, maintenir une température corporelle acceptable, etc.
Il n’y a pas de conscience d’un soi séparé. L’attention est portée sur la survie individuelle, qui est assurée par la mise en œuvre de grands systèmes neuromoteurs. Ces systèmes neuromoteurs ne sont pas présentés en détail dans la théorie de la spirale dynamique.
Les réflexes primitifs sont définis quant à eux comme des réactions inconscientes et automatiques à des stimulus. Ce sont des schémas de mouvements stéréotypés commandés par le tronc cérébral. Un stimulus donné engendrera toujours le même type de réaction. Ils permettent d’assurer la survie du nouveau-né. On dénombre plus d’une trentaine de réflexes. Certains d’entre eux apparaissent in utero, d’autres quelques mois après la naissance. Ils sont appelés réflexes archaïques ou primitifs. Dans un souci de simplification, seul le terme réflexe primitif sera utilisé dans la suite de l’article.
Dans le modèle de la spirale dynamique, il est considéré que le niveau d’existence AN‑Beige domine la vie du nouveau-né, que cette phase est brève et que c’est vers l’âge d’un mois que le système de valeurs suivant BO‑Violet commence à émerger. Cette transition se fait, entre autres, avec la prise de conscience d’être différencié des autres, en particulier de sa mère, et la découverte du lien de cause-effet¹.
La spirale dynamique décrivant une holarchie, les anciens systèmes ne disparaissent pas quand les nouveaux apparaissent, et ils peuvent être réactivés si les conditions de vie le rendent nécessaire.
De façon similaire, les réflexes primitifs, après leur apparition in utero ou dans les premiers mois de vie, vont peu à peu « s’endormir » pour laisse la place au mouvement volontaire et conscient : on parle d’inhibition ou d’intégration des réflexes. Il est considéré qu’ils sont intégrés vers l’âge de deux ans pour la majorité d’entre eux. Ils laissent également la place aux réflexes posturaux, qui apparaissent dans les douze premiers mois de vie et perdure normalement tout au long de l’existence³. Certains contextes, tels que des stress ou des traumatismes physiques ou psychologiques, peuvent cependant faire réémerger les réflexes primitifs, de même que certaines pathologies.
La présence de certains de ces réflexes est testée par le corps médical chez le nouveau-né, comme le réflexe de marche automatique de Thomas par exemple. Un réflexe dont la présence ou l’absence est inattendue, ou dont l’intensité et la durée sont hors normes, indique une possible neuropathologie⁴. Par contre, l’inhibition des réflexes dans la petite enfance est rarement vérifiée par les professionnels de santé.
Si les réflexes primitifs sont connus dans le monde médical depuis un siècle environ, il a fallu attendre les années 1980 pour étudier les impacts des réflexes primitifs non intégrés, c’est-à-dire persistants, chez l’enfant et l’adulte.
Réflexes et survie
Seuls cinq réflexes vont être rapidement présentés ici, pour illustrer les propos qui vont suivre. Les lecteurs qui voudront en savoir plus sur les réflexes sont invités à se documenter ou suivre des formations dédiées au sujet.
Réflexe de Moro ou d’embrassade de Moro
- Apparition : à la 9e semaine de grossesse environ.
- Intégration : entre le 2e et le 4e mois après la naissance.
- Déclencheur : stimuli soudain et inattendu, auditif, tactile ou visuel, changement de la position de la tête (stimulation du labyrinthe).
- Schéma moteur : ouverture latérale des bras et des jambes (puis refermeture).
- Hypothèse sur son rôle pour assurer la survie : ce réflexe aiderait à la première respiration du nouveau-né³², ainsi qu’à inhiber un réflexe antérieur, le réflexe de paralysie par la peur, et ainsi diminuer le risque de mort subite du nourisson⁹. Ce réflexe permettrait également au bébé de communiquer auprès de ses parents sa détresse pour qu’ils s’occupent de lui et le prennent dans les bras⁸. Le réflexe de Moro servirait également à réguler la glycémie, les sursauts servant à réveiller un bébé un peu léthargique⁹.
Réflexe d’agrippement palmaire de Robinson ou de préhension
- Apparition : à la 11e semaine de grossesse environ.
- Intégration : vers le 2e ou le 3e mois après la naissance.
- Déclencheur : stimulation de la paume de la main.
- Schéma moteur : fermeture des mains, pouces à l’intérieur.
- Hypothèses sur son rôle pour assurer la survie : ce réflexe est considéré comme la continuité d’un stade antérieur de l’évolution humaine, où il était encore nécessaire pour le nouveau-né de s’accrocher à sa mère pour sa sécurité². Il serait aussi déclenché par la succion et le mouvement de pétrissage de main qui en résulterait stimulerait l’allaitement⁸. Plus tard, il participe à l’initiation du mouvement de mise à la bouche⁹.
Réflexe tonique asymétrique du cou
- Apparition : à la 18e semaine de grossesse environ.
- Intégration : entre le 4e et le 6e mois de vie.
- Déclencheur : mouvement de la tête du bébé d’un côté.
- Schéma moteur : extension réflexe du bras et de la jambe du côté vers lequel la tête est tournée ; flexion des membres occipitaux.
- Hypothèses sur son rôle pour assurer la survie : ce réflexe permettrait, à la naissance, le passage en spirale dans le bassin de la mère tout en freinant cette descente⁴⁰. Plus tard, en association avec d’autres réflexes, il permettra l’initiation du mouvement de mise à la bouche⁴⁰.
Réflexe Spinal de Galant
- Apparition : 20e semaine de grossesse.
- Intégration : 3 à 9 mois après la naissance.
- Déclencheur : stimulation du dos d’un côté ou de l’autre de la colonne vertébrale.
- Schéma moteur : inclinaison latérale, le bassin vrille à 45 degrés vers le côté du stimulus.
- Hypothèses sur son rôle pour assurer la survie : ce réflexe est considéré comme très important pour l’accouchement. À chaque contraction maternelle, le bébé est stimulé au niveau de la colonne vertébrale, son réflexe se déclenche, ce qui lui permet d’avancer dans le canal de la naissance. Spontanément, certaines femmes utiliseraient la stimulation de ce réflexe une fois le bébé posé sur le ventre pour l’aider à avancer et se diriger vers le sein⁴.
Réflexe de fouissement (ou réflexe des points cardinaux)
- Apparition : entre 24 et 28 semaines in utero.
- Intégration : 3 à 4 mois après la naissance.
- Déclencheur : léger toucher de la joue, stimulation du bord de la bouche.
- Schéma moteur : la tête se tourne vers le côté du stimulus, la bouche s’ouvre et la langue sort.
- Hypothèses sur son rôle pour assurer la survie : il permet au bébé de se nourrir au sein ou au biberon.
Traditionnellement, trois réflexes primitifs sont identifiés comme permettant au bébé de survivre en étant allaité : le fouissement, la succion et la déglutition. Susan Colson, sage-femme et chercheuse, en a identifié davantage : vingt réflexes, qui aident le bébé dans une ou plusieurs des six fonctions suivantes : communiquer qu’il peut téter, localiser le sein, prendre le sein, boire au sein, réguler le volume de lait et rester au sein⁴. Paradoxalement, elle a identifié que ces mêmes réflexes pouvaient aider ou au contraire faire obstacle à la prise du sein et à la réussite de l’allaitement. Ses études ont montré que c’est la posture d’allaitement de la mère qui est l’unique variable du déclenchement des réflexes, soit comme stimulants, soit comme obstacles. Ses découvertes vont à l’encontre des idées établies sur les postures d’allaitement correctes. Traditionnellement, il est enseigné que les mères, contrairement à certains de nos cousins mammifères, doivent allaiter avec le dos bien droit, le dos du bébé maintenu en permanence. Susan Colson enseigne qu’une position semi-allongée de la mère, avec un bébé en appui ventral continu, favorise l’allaitement via l’expression appropriée des réflexes primitifs.
Cycle de développement des réflexes et de AN‑Beige
Le cycle de maturation des réflexes primitifs est défini par les grandes étapes suivantes⁹ :
- Émergence ;
- Développement ;
- Inhibition ou Intégration.
Entre la phase de développement et celle d’intégration, Emmanuelle Sutherland, une enseignante reconvertie à la pratique autour des réflexes, décrit dans un de ses livres⁵ l’étape de la crise : après plusieurs expérimentations d’un mouvement réflexe, le bébé est insatisfait du résultat, refuse de faire à l’identique et commence à chercher de nouvelles façons d’atteindre son but. Le schéma réflexe ne lui permet pas de répondre à son intention ; c’est le pic de la crise, où le bébé est frustré, inquiet, en conflit et « coincé dans ce qu’il connaît sans pouvoir passer à autre chose pour y arriver ».
Le conflit va se résoudre lorsque le bébé trouve enfin de nouvelles manières de faire. Peu à peu, les mouvements réflexes vont être remplacés par le mouvement volontaire. C’est finalement la répétition des mouvements réflexes qui va permettre d’aboutir au mouvement conscient. Au contraire, un réflexe qui n’est pas mis en œuvre risque de ne pas maturer et de ne pas s’intégrer.
De même, un réflexe qui est mis en œuvre mais auquel l’environnement n’apporte pas de réponse peut ne pas émerger correctement et donc ne pas s’intégrer par la suite. Sally Goddard Blythe, spécialiste anglaise des réflexes primitifs, illustre ce propos avec le réflexe de fouissement. Pour rappel, avec ce réflexe, le bébé dont on stimule le bord de la bouche tourne la tête vers le stimulus en sortant la langue. Ce n’est que plus tard que le bébé remplace ce réflexe inconscient par une orientation volontaire de la tête dans la bonne direction, à la vue du biberon ou du sein. Ce réflexe se manifesterait à son maximum dans les premières heures qui suivent la naissance selon le chirurgien et obstétricien Michel Odent mais s’affaiblirait rapidement si la mère ne répond pas à ses demandes de mise au sein : « Comme d’autres réflexes, si le fouissement n’est pas utilisé pleinement au bon moment, il semble se comporter comme une vieille fille victorienne : insatisfaite, frustrée et incapable de lâcher prise². »
La Spirale Dynamique décrit des apparitions successives de niveaux d’existence, qui sont progressives. Un niveau d’existence émerge lorsque les conditions de vie changent. Elles peuvent changer sous la pression de l’environnement, mais parfois elles sont modifiées par l’être humain lui-même. Des capacités cérébrales spécifiques sont alors activées chez l’être humain, qui lui permettent de s’adapter.
Le professeur Clare Graves, à l’origine du modèle de la Spirale Dynamique, a défini six conditions pour qu’un changement de vMème puisse avoir lieu¹ :
- La personne doit avoir le potentiel cérébral nécessaire ;
- Elle doit avoir éprouvé les solutions apportées par le vMème actuel ;
- Elle doit ressentir une dissonance à propos du futur (générée par la transformation des conditions de vie, ou introduite volontairement par un pair pour susciter le désir de changement) ;
- Elle doit ressentir un insight de ce que sera la nouvelle solution ;
- Elle doit lever les obstacles qui s’opposent au changement ;
- Elle doit obtenir une assistance pendant le changement et durant sa consolidation.
À noter que Clare Graves a également défini cinq étapes du changement de vMème, dont le point β, qui ressemble beaucoup à la crise évoquée par Emmanuelle Sutherland : « Au point β, rien ne va plus ! La personne est confrontée à des problèmes que, confusément, elle sait insoluble par le vMème dominant […]. Le point β n’est pas un moment de compréhension ou d’analyse. Il a souvent une forte tonalité émotionnelle et laisse désemparé et en manque de confiance dans l’avenir. La surprise, la confusion et l’inquiétude l’emportent¹. »
Chaque niveau d’existence inclut et transcende le précédent : Les anciens systèmes ne disparaissent pas complètement quand arrivent les nouveaux. « Les vMèmes ne se remplacent pas soudainement, mais s’enchaînent les uns les autres comme une série de vagues. Il y a donc une infinité de variations entre le moment où un vMème est dominant et où c’est le tour du suivant⁷. »
Sally Goddard Blythe écrit : « Croissance et développement sont des processus graduels dans lesquels les réflexes n’apparaissent pas simplement à un instant pour disparaître à celui d’après, mais passent progressivement de l’un à l’autre, coexistant souvent durant une courte période jusqu’à ce que la prochaine compétence de développement soit établie². »
Repérer AN‑Beige et les réflexes primitifs chez l’adulte
Fabien et Patricia Chabreuil font le lien entre le niveau d’existence AN‑Beige et la mise en place de l’instinct de conservation. L’instinct de conservation amène l’individu à activer de manière automatique des comportements visant à assurer sa survie. Il se construirait dans la période AN‑Beige. L’adulte dont l’instinct de conservation ne s’est pas idéalement mis en place dans la petite enfance est amené à porter une attention excessive à ce qui peut porter atteinte à son intégrité physique, ou au contraire, à négliger ces aspects et prendre des risques. « La blessure subie par un instinct lors de la petite enfance peut être très légère ou très grave, avec des manifestations proportionnées dans la vie quotidienne⁶. » La dominance d’un instinct de conservation chez un adulte peut s’évaluer par une introspection fine. Indirectement, cette introspection permet d’évaluer la fonctionnalité du niveau AN‑Beige chez un individu.
Concernant la discipline des réflexes primitifs, il est assez facile pour un professionnel de tester la présence résiduelle d’un réflexe chez l’adulte. Ce sont des ergothérapeutes américains qui ont les premiers, dans les années 1980, commencé à adapter pour les adultes les tests de présence des réflexes primitifs réalisés par les médecins sur les bébés. En général, l’évaluation de la persistance d’un réflexe chez l’adulte est graduée sur une échelle de cinq points, entre la présence pleine et entière d’un réflexe jusqu’à son intégration complète⁸.
Les réflexes primitifs pourraient être considérés comme des marqueurs de la présence de AN‑Beige chez un individu. Dans ce cas, tester leur présence chez un adulte permettrait d’évaluer facilement l’état du niveau AN‑Beige.
Quand les réflexes primitifs et AN‑Beige se réactivent plus tard dans la vie
En Spirale Dynamique, on considère que des vMèmes anciens peuvent être réactivés si les conditions de vie le rendent nécessaire.
De même, c’est le cas pour les réflexes primitifs. Lorsque l’on glisse sur une plaque de verglas par exemple, l’information du déséquilibre est envoyée par l’oreille interne et le réflexe de Moro s’active, combiné avec le réflexe d’agrippement. Les bras s’ouvrent comme pour aller rechercher quelque chose à quoi se raccrocher. Heureusement, il s’agit d’une action réflexe très rapide, car le mouvement conscient volontaire serait trop lent à mettre en œuvre dans une telle situation⁸.
Parfois, un niveau d’existence en Spirale Dynamique se réactive de façon plus durable. Il est considéré que le niveau d’existence AN‑Beige peut réapparaître ultérieurement dans la vie, par exemple chez les personnes âgées atteintes de démence sénile de type Alzheimer.
Plusieurs études scientifiques¹⁰⁻¹¹⁻¹² montrent justement que certains réflexes primitifs, en particulier le réflexe paume-bouche, sont davantage présents chez les patients atteints de cette maladie, y compris à un stade précoce, deux ans avant son diagnostic¹⁰.
D’une manière plus générale, Fabien Chabreuil a fait l’hypothèse que les personnes âgées, vivant une période de vulnérabilité, réactiveraient certains vMèmes antérieurs, en particulier ceux s’inscrivant dans la thématique de sacrifice du soi. On peut imaginer que le vMème AN‑Beige serait également activé en cas de vulnérabilité ressentie sur la fin de vie, puisque ce vMème sert à assurer la sécurité et la survie.
Justement, une étude de 2006 menée à l’université de Maastricht auprès de quatre cent soixante-dix participants vieillissant normalement a montré que la prévalence, l’amplitude et la persistance de la plupart de neuf réflexes primitifs étudiés augmentaient, trois ans après leur première évaluation, sans lien avec un déclin cognitif.
Dans le modèle de la Spirale Dynamique, d’autres situations sont mentionnées comme pouvant réactiver AN‑Beige : « Des personnes vivant des situations extrêmes peuvent aussi revenir en arrière sur la Spirale Dynamique jusqu’au niveau AN‑Beige. Ce peut être le cas pour des soldats sur des champs de bataille, des réfugiés comme ceux du Darfour, voire des sans-abri après des années passées isolés dans la rue. Ces gens gardent des éléments des vMèmes qu’ils avaient vécus auparavant, mais la problématique de la survie passe alors pour eux au premier plan¹. »
Cindy Boiteau était enseignante d’art dramatique auprès d’enfants ressortissants étrangers ou réfugiés politiques. Ces enfants avaient pour la plupart des défis de concentration, d’apprentissage, de comportements et avec pour certains, des traumatismes liés à la guerre. Cette professeur a testé désespérément différentes techniques auprès d’eux (yoga, respiration, visualisation) sans arriver à restaurer leur sécurité affective. C’est en découvrant le Brain Gym et en leur faisant pratiquer des exercices d’intégration des réflexes qu’elle a vu de réels progrès chez ces enfants. Elle anime maintenant des formations sur la sécurité intérieure des enfants, basées sur l’intégration des réflexes de Moro et de paralysie par la peur³⁸.
Le psychiatre français Jean Maisondieu fait un parallèle entre les personnes souffrants de la maladie d’Alzheimer et des clochards dont la situation est tellement catastrophique qu’ils cherchent à « s’abîmer le cerveau », notamment par l’excès d’alcool, pour oublier leur situation. De même que les réflexes primitifs réapparaissent chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, le réflexe de Moro et le réflexe tonique asymétrique du cou se retrouveraient plus présents chez la population des personnes toxicomanes, selon une étude menée auprès d’un effectif réduit, de treize personnes dépendantes aux substances, dans un établissement public spécialisé en Norvège¹⁴.
Réflexes primitifs persistants et divers troubles
Une grande partie des études scientifiques consacrées aux réflexes primitifs persistants étudient leurs impacts vis-à-vis des difficultés d’apprentissage. À ma connaissance, il n’a pas été fait de liens entre cette problématique et le niveau AN‑Beige dans le modèle de la Spirale Dynamique.
De nombreuses études récentes¹⁵⁻¹⁶⁻¹⁷⁻¹⁸⁻¹⁹⁻²⁰ ont mis en évidence que les enfants en difficulté scolaire, ou dyslexiques, présentaient davantage de réflexes primitifs non intégrés. Des réflexes primitifs persistants seraient également davantage présents chez les enfants souffrants de trouble du langage²¹⁻²², de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH)²³⁻²⁴⁻²⁵⁻²⁶, mais également chez les enfants souffrants de trouble du spectre autistique²⁷⁻²⁸.
Cette population d’enfants en difficultés est d’ailleurs actuellement le cœur de cible des praticiens en intégration des réflexes primitifs.
C’est également dans le domaine de la psychiatrie que les réflexes primitifs persistants ont fait l’objet d’études. Certains réflexes, qui sont normalement inhibés par les lobes frontaux du cerveau, réapparaissent en cas de pathologies psychiatriques. Ces réflexes, qui sont « libérés » de l’inhibition par les lobes frontaux et qui s’expriment de nouveau, sont considérés comme des signes de relâchement frontaux. Il s’agit, entre autres, des réflexes de fouissement, de succion, de paume-bouche et d’agrippement. Les signes de relâchement frontaux sont parfois considérés comme un sous-ensemble des signes neurologiques faibles ou signes neurologiques doux (Neurological Soft Signs). Les signes neurologiques doux sont des anomalies objectivement mesurables de l’intégration sensorielle et de la coordination motrice. Il existe de nombreuses échelles d’évaluation de ces signes, qui parfois prennent en compte ces réflexes primitifs persistants, et parfois non. Il existe un consensus scientifique sur le fait que les signes neurologiques doux en général sont des marqueurs de la schizophrénie³⁰.
En particulier, une étude a été menée en 2018 par une équipe de chercheurs américains, spécifiquement sur les signes de relâchement frontaux chez 302 personnes diagnostiquées schizophrènes, 240 de leurs frères et sœurs et 346 personnes témoins. Cette étude a montré une occurrence de signes de relâchement frontaux significativement plus élevée chez les patients schizophrènes³⁰. Ces résultats vont dans le sens de nombreuses autres études précédentes. Les signes de relâchement frontaux étaient équivalents dans la population de frères et sœurs de malade et dans la population de témoins : « Ceci suggère que les facteurs environnementaux peuvent avoir un rôle significatif dans le développement des signes de relâchement frontaux, et par extension, de certains aspects de la pathologie dans la schizophrénie. Il convient toutefois de noter que notre étude a rigoureusement exclu les frères et sœurs atteints de schizophrénie et de troubles du spectre de la schizophrénie. » Ce dernier résultat va à l’encontre de précédentes études qui constataient une prévalence des signes neurologiques doux plus importante chez les frères et sœurs sains de personnes schizophrènes que chez une population de témoins. L’héritabilité des signes neurologiques doux (et donc des réflexes primitifs persistants) est donc encore en débat.
Notons également que les réflexes primitifs persistants ont été davantage retrouvés chez des personnes atteintes de trouble de la personnalité borderline²⁹ et de trouble bipolaire³¹.
Enfin, il faut cependant noter qu’il peut y avoir présence de réflexes primitifs persistants chez une personne mais absence de toute difficulté ou pathologie diagnostiquée.
Hypothèses sur la non-intégration des réflexes primitifs
Une grande partie des hypothèses émises par les professionnels des réflexes primitifs concernant leur mauvaise intégration mettent en cause le mode de vie ER‑Orange : les accouchements moins physiologiques, voire les césariennes de confort et programmées, ou le recul de l’allaitement, qui ne permettent pas à certains réflexes de s’exprimer, les gadgets commercialisés qui limitent la motricité libre du bébé, ou encore parfois l’urgence à ce que l’enfant marche debout sans passer par les étapes essentielles de reptation et de quatre pattes, qui permettent en particulier l’intégration du réflexe tonique symétrique du cou.
D’un autre côté, les sociétés en BO‑Violet sont parfois idéalisées par ces professionnels. Elles peuvent être vues comme des sociétés où les enfants évoluent librement dans la nature et s’adonnent à davantage d’activités physiques que les enfants qui grandissent dans des sociétés industrialisées. Une chercheuse australienne a souhaité tester cette hypothèse auprès de quarante enfants de la communauté aborigène, d’une moyenne d’âge de cinq ans. Elle a trouvé que le réflexe tonique asymétrique du cou était significativement plus présent chez ces enfants, en comparaison avec des taux d’incidence mesurés par une étude précédente chez une population d’enfants non aborigène. Les hypothèses avancées pour expliquer ce résultat sont l’exposition au tabac consommé par les mères, une mauvaise santé maternelle, des complications obstétricales et le faible poids de naissance des enfants³².
Réintégrer ses réflexes
Différentes méthodes d’intégration des réflexes primitifs existent depuis une quarantaine d’années. Elles se sont développées initialement et succinctement dans le domaine de l’optométrie (intégration du système visuel) et du Brain Gym de Paul Denison³⁹. Peter Blythe, un psychothérapeute et maître de conférences en psychologie anglais, a été le premier à développer une méthode complète de test et d’intégration d’une quinzaine de réflexes chez le jeune enfant et l’adulte. Il a fondé son propre institut, The Institute for Neuro-Physiological Psychology (INPP) en 1975². Sa méthode d’intégration des réflexes est longue puisqu’elle s’étend sur plusieurs mois, et non spécifique car valable pour l’intégration globale des réflexes³⁹. Svetlana Masgutova, une docteur en psychologie développementale et éducationnelle russe, a considérablement fait progresser les procédures d’intégration des réflexes primitifs, notamment en adaptant pour chaque réflexe, une procédure de remodelage spécifique, utilisant des pressions isométriques sur le corps. Sa méthode d’intégration des réflexes, Masgutova Neurosensorimotor Reflex Integration (MNRI) est l’une de plus efficace et des plus rapide. Au fur et à mesure des années, différents acteurs se sont approprié le travail sur l’intégration des réflexes primitifs, par exemple Brendan O’Hara, un Australien qui a travaillé sur des techniques ludiques et préventives d’intégration des réflexes auprès des jeunes enfants, ou encore Harald Blomberg, un psychiatre suédois qui a développé le Rhythmic Movement Training (RMT), inspiré des mouvements rythmés réalisés naturellement par les bébés.
Plusieurs études ont d’ailleurs évalué certaines de ces techniques et concluent à leur efficacité pour l’amélioration des résultats scolaires³³⁻³⁴⁻³⁵⁻³⁶⁻³⁷.
Conclusion
Ces différents parallèles entre réflexes primitifs d’une part, et le niveau d’existence AN‑Beige d’autre part, nous amènent à penser que les réflexes primitifs peuvent être un bon marqueur de ce niveau d’existence. Si c’était bien le cas, nous aurions un moyen d’évaluer facilement l’intégration de ce niveau d’existence chez un individu. Les nombreux outils permettant d’intégrer les réflexes primitifs pourraient alors peut-être, être plus largement utilisés pour restaurer un niveau AN‑Beige fonctionnel.
Comme l’évoque Emmanuelle Sutherland : « De nombreux chercheurs pensent que la manière dont le bébé réussira à dépasser la phase de résolution [de la crise liée à la mise en œuvre des réflexes primitifs], dans laquelle il trouve de nouvelles manières de faire, pour laquelle il utilise tout ce qu’il a déjà acquis, est la base de ce que reproduira la personne dans toutes les situations futures où il sera confronté à un nouvel apprentissage : une hypothèse bien intéressante qui donne à réfléchir⁵ ! » La transition du niveau AN‑Beige au niveau BO‑Violet étant la première transition de la vie d’un individu, et les niveaux d’existences suivants AN‑Beige intégrant ce vMème, nous comprenons qu’il faudrait que davantage de connaissances soient diffusées autour des réflexes primitifs, pour que leur intégration soit accompagnée au mieux par les parents et les professionnels, au cours de la petite enfance.
Sources
Livres
[1] CHABREUIL, Fabien ; CHABREUIL, Patricia. La Spirale Dynamique, 4e édition. Paris (France), InterEditions, 2019. [Version Kindle]
[2] GODDARD BLYTHE, Sally. Le Grand livre des réflexes. Ressources Primordiales, 2020.
[3] GODDARD BLYTHE, Sally. Attention, Balance and Coordination : The A.B.C. Of Learning Success, 2e édition. Wiley-Blackwell, 2017. [Version Kindle]
[4] COLSON, Susan. L’allaitement instinctif. Biological nurturing. Ressources Primordiales, 2021.
[5] SUTHERLAND, Emmanuelle. Le b.a.-ba des réflexes archaïques. Comment repérer et intégrer ses réflexes pour vivre mieux. Éditions Fabert, 2021. [Version Kindle]
[6] CHABREUIL, Fabien ; CHABREUIL, Patricia. Le Grand Livre de l’Ennéagramme, 3e édition. Eyrolles, 2022. [Version Kindle]
Stages
[7] Institut IDEOdynamic. « Spirale Dynamique : Bases, Transitions & Interactions ». Suivis en 2010, 2012 et 2013.
[8] Volodalen. « E-learning Réflexes et Préférences® ». Suivi en 2021.
[9] Forum Neurointégration. « La motricité, la base de presque tout ». Suivi en 2021.
Sélection d’études scientifiques
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[11] VREELING, Fred W ; HOUX, Peter J. ; JOLLES, Jellemer & VERHEY, Frans R.J. « Primitive Reflexes in Alzheimer’s Disease and Vascular Dementia », Journal of Geriatric Psychiatry and Neurology, Vol. 8, Avril 1995, p. 111-117.
[12] MOLLOY, D. William ; CLARNETTE, Roger M. ; MCILROY, William E. ; GUYATT, Gordon ; REES, Linda & LEVER, Judy. « Clinical significance of primitive reflexes in Alzheimer’s disease », Journal of the American Geriatrics Society, Décembre 1991, Vol. 39, N°12, p. 1161-1163.
Réflexes primitifs et vieillissement
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Réflexes primitifs et psychiatrie
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[30] HYDE, Thomas M. ; GOLDBERG, Terry E. ; EGAN, Michael F., LENER Marc C. & WEINBERGER, Daniel R., « Frontal release signs and cognition in people with schizophrenia, their siblings and healthy controls », British Journal of Psychiatry, Janvier 2018, p. 120-125.
[31] YOUSSEF, Hanafy A. & WADDINGTON, John L, « Primitive (developmental) Reflexes and Diffuse Dysfunction in Schizophrenia and Bipolar Affective Disorder: Overrepresentation in Patients with Tardive Dyskinesia », Biological Psychiatry, 1988, p. 791-796.
Réflexes primitifs et sociétés
[32] CALLCOTT, Deborah, « Retained primary reflexes in pre-primary-aged Indigenous children : The effect on movement ability and school readiness », Australasian Journal of Early Childhood, Vol. 37 N° 2 , Juin 2012, p. 132-140.
Efficacité des méthodes d’intégration des réflexes primitifs pour l’amélioration des apprentissages scolaires
[33] GRZYWNIAK, Celestyna, « Integration exercise programme for children with learning difficulties who have preserved vestigial primitive reflexes », Acta Neuropsychologica, Septembre 2017.
[34] WAHLBERG, Timothy & IRELAND, Dennis, « Can Replicating Primary Reflex Movements improve reading ability ? », Optometry & Vision Development Journal, Vol. 36, N° 2, Juin 2005, p. 89-91.
[35] GODDARD BLYTHE, Sally, « Releasing educational potential through movement : A summary of individual studies carried out using the INPP Test Basttery and developmental exercise programme for use in schools with children with special needs », Child Care in Practice, Vol. 11, N° 4, Octobre 2005, p. 415-432.
[36] JORDAN-BLACK, Julie-Anne, « The effects of the Primary Movement programme on the academic performance of children attending ordinary primary school », Journal of research in Special Educational Needs, Vol. 5, N° 3, Novembre 2005, p. 101-111.
[37] MCPHILLIPS, Martin ; HEPPER, Peter & MULHERN, Gerry, « Effects of replicating primary-reflex movements on specific reading difficulties in children : A randomised, double-mind, controlled trial », The Lancet, Vol. 355, N° 9203, Février 2000, p. 537-541.
Site Internet
[38] Neuro Gym Tonik, site de Cindy Boiteau et Gérgoire Garneau
Podcasts
[39] Connexions Primordiales, « Les origines de l’IMP, approche sur les réflexes archaïques »
[40] Connexions Primordiales, « Le réflexe tonique asymétrique du cou (RTAC) »
Cet article fait l’objet d’une discussion sur le blog « Et à l’aurore ».
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